En Belgique, chaque année, plus de 12 700 hommes se voient diagnostiquer un cancer de la prostate : il s’agit du cancer le plus fréquent chez l’homme dans notre pays. Le cancer du testicule, plus rare mais non moins important, touche environ 500 nouveaux patients chaque année (Institut Jules Bordet, 2024).
Ce double constat brosse un paysage à la fois familier et trop souvent ignoré. Car la santé masculine, encore empreinte de pudeur, reste un territoire où l’on préfère parfois détourner le regard. Et pourtant, comme l’écrivait Jean d’Ormesson : « Il y a des choses qu’il faut dire, même si personne ne veut les entendre. »
Dans cette lutte, le rôle des urologues est essentiel : du diagnostic et du suivi, ils constituent un maillon incontournable entre prévention et traitement. Leur expertise, alliée à celle des oncologues, permet d’assurer une prise en charge globale et coordonnée des cancers masculins. Il en va de même des médecins généralistes qui sont en première ligne.
C’est précisément tout le sens de Movember, ce mois où la moustache devient symbole de vigilance et de dialogue. À cette occasion, nous avons rencontré les docteurs Daiana Temian-Vicol et Alex Draghici, nouveaux oncologues au CHRSM, qui viennent renforcer une équipe déjà pleinement engagée dans la prise en charge et la sensibilisation aux cancers masculins.
Pourquoi est-il essentiel de sensibiliser les hommes aux cancers masculins comme ceux de la prostate et des testicules ?
“Le cancer de la prostate est, d’incidence, le cancer le plus fréquent et le plus diagnostiqué chez les hommes. C’est un message que nous répétons souvent : la prévention doit encore progresser. Beaucoup d’hommes restent réticents à consulter un médecin, même lorsqu’ils présentent des symptômes urinaires. Or, c’est essentiel.
Nous essayons également de sensibiliser les médecins traitants, car ils sont les premiers relais d’information. Leur rôle est crucial pour repérer les signes précoces et encourager les patients à consulter un urologue. Quant au cancer du testicule, il est certes plus rare, mais il touche souvent des hommes plus jeunes : il mérite donc la même attention.”
Quels sont les signes ou symptômes qui doivent alerter et pousser à consulter un médecin ?
“Le cancer de la prostate est parfois indolent, c’est-à-dire silencieux. Il peut se manifester par des troubles urinaires, parfois par des douleurs osseuses lorsque la maladie est plus avancée. Le but du dépistage est justement de le diagnostiquer avant l’apparition des symptômes.
Les recommandations peuvent varier, mais en règle générale, à partir de 50 ans, il est conseillé de consulter son médecin traitant pour une première évaluation et une recherche du taux de PSA (l’antigène spécifique de la prostate). Certains cas justifient un dépistage plus précoce, notamment lorsqu’il existe des antécédents familiaux. C’est un cancer qui touche surtout les hommes plus âgés : la majorité des diagnostics concernent des patients de plus de 75 ans.”
Les traitements contre les cancers masculins ont-ils beaucoup évolué ces dernières années ?
“Oui, considérablement. Nous disposons aujourd’hui de molécules plus ciblées et de traitements moins lourds, qui provoquent moins d’effets secondaires tout en offrant de meilleurs résultats. Le progrès est continu, d’année en année.
On dit souvent que l’on transforme peu à peu le cancer de la prostate en une maladie chronique, tant il réagit bien aux traitements dans la majorité des cas. Il y a bien sûr toujours des exceptions, mais globalement, la prise en charge s’est allégée, notamment grâce aux traitements hormonaux modernes, plus efficaces et mieux tolérés.
L’âge reste le principal facteur de risque, même si le tabac et l’alcool peuvent également jouer un rôle. Après un certain âge, pratiquement tous les hommes présentent de petites lésions prostatiques, mais la plupart ne seront jamais dangereuses. C’est tout l’enjeu du suivi régulier : savoir distinguer ce qui nécessite une intervention de ce qui ne le nécessite pas.”
Quels messages souhaitez-vous faire passer aux hommes — et à leurs proches — pendant Movember ?
“Le message principal est simple : allez consulter votre médecin traitant. Une prise de sang régulière pour surveiller le PSA, ce n’est ni long, ni douloureux, mais cela peut sauver des vies. Et surtout, ne pas banaliser les symptômes urinaires. Une gêne, un changement dans la fréquence ou le débit urinaire, ce sont des signaux qu’il ne faut pas ignorer. Enfin, nous encourageons aussi les proches à être acteurs : souvent, ce sont les conjoints ou les enfants qui incitent à consulter. Leur rôle est précieux.”
Un mot de conclusion ?
“Il faut rappeler que la prévention, ce n’est pas la peur, c’est la connaissance. Comprendre, c’est déjà agir. Et si l’on devait résumer notre message : consulter, dépister, dialoguer. C’est ainsi qu’on avance”.
C’est, en somme, l’esprit de Movember au CHRSM : un mois pour parler, pour comprendre et, surtout, pour agir.
Par ailleurs, pour les médecins qui souhaitent rencontrer le docteur Draghici, il organize une rencontre médicale Attitudes thérapeutiques modernes et d’actualité dans le cancer métastatique de la prostate qui se déroulera au cœur de l’espace De Vinci, le jeudi 20 novembre, à 12h30.